À Rennes, un laboratoire étudiera la place des arbres en ville à l’heure du changement climatique

Le 4 juillet 2025, Rennes a vu naître un nouveau dispositif de recherche appliquée à l’échelle locale : le laboratoire commun RENNAT, acronyme de Rennes, Nature & Adaptation Territoriale. Issu d’un partenariat entre Rennes Métropole, l’Université Rennes 2 et le CNRS, ce projet vise à documenter le rôle des arbres en milieu urbain dans un contexte de changement climatique. Un sujet devenu central dans les réflexions autour de l’aménagement urbain et des politiques d’adaptation.
Alors que les conséquences du dérèglement climatique s’intensifient – élévation des températures, vagues de chaleur, tension sur la ressource en eau – les collectivités locales cherchent à s’adapter. La place des arbres dans ce processus est de plus en plus mise en avant, notamment pour leurs fonctions de régulation thermique, de soutien à la biodiversité ou encore de filtration de l’air.
RENNAT s’inscrit dans cette perspective. Porté conjointement par le laboratoire LETG (Littoral – Environnement – Télédétection – Géomatique), le CNRS, l’université Rennes 2 et les services techniques de la Ville, il doit permettre de produire des données sur les services rendus par les arbres urbains. Ces données serviront ensuite à orienter certaines politiques publiques locales, en particulier en matière de gestion du patrimoine arboré et de végétalisation.
Un laboratoire partagé entre chercheurs et techniciens de la Ville
L’une des particularités du projet RENNAT est de reposer sur une collaboration étroite entre scientifiques et agents municipaux. Ces derniers seront équipés d’outils d’analyse développés par les chercheurs – capteurs, relevés mobiles, bases de données – et formés à leur usage. L’objectif est de générer des jeux de données exploitables, comparables dans le temps et utiles aux deux parties. Cette approche doit permettre d’observer l’évolution de la végétation urbaine, d’identifier les zones les plus exposées aux effets du climat, ou encore de suivre la santé des arbres à l’échelle de la canopée. Une attention particulière est portée à la disponibilité hydrique, à l’impact sur les îlots de chaleur urbains, et à l’anticipation des effets climatiques à moyen terme.
Si le laboratoire RENNAT s’appuie sur une histoire de coopération déjà ancienne entre Rennes Métropole et le LETG, il marque un tournant : l’intégration formalisée des outils scientifiques au service de l’action territoriale. Le cadre institutionnel reste cependant classique : un financement sur quatre ans, des missions de production de données et d’interprétation, et un objectif affiché d’« adaptation » au changement climatique. À ce titre, le projet se distingue davantage par sa structuration que par sa dimension expérimentale. Il ne prétend pas réinventer les politiques environnementales urbaines, mais proposer un socle plus rigoureux pour les appuyer. La question de leur mise en œuvre à grande échelle reste en suspens.
Un consensus politique sur les « solutions fondées sur la nature »
La dimension politique du projet n’est pas absente. Pour la Ville de Rennes, la végétalisation des espaces publics est régulièrement mise en avant comme l’un des leviers de sa stratégie climatique ; et ce, après plusieurs années à avoir malheureusement travaillé à réduire cette présence de la végétation en ville. Le Plan climat de la métropole promeut désormais une « adaptation à 360° » qui intégre biodiversité, santé publique et réduction des inégalités. Dans ce contexte, RENNAT arrive comme un outil d’aide à la décision – et un moyen de légitimer scientifiquement des choix d’aménagement parfois discutés. Du côté de l’université, l’accent est mis sur l’intérêt général de la recherche et sa capacité à éclairer les politiques publiques. Si le projet ne révolutionne ni les méthodes, ni les concepts, il témoigne toutefois d’une volonté partagée de mettre en synergie les compétences scientifiques et les besoins concrets des collectivités. Ce qui est déjà un bon point. Si, bien sûr, il est suivi d’effets concrets.
Quels risques de résultats limités ?
Plusieurs points de vigilance peuvent être soulevés quant à l’impact réel du projet :
- Le décalage entre science et action publique : les temporalités de la recherche (longues) ne coïncident pas toujours avec les besoins opérationnels des collectivités (souvent à court terme). Il existe un risque que les données produites restent peu mobilisées dans les arbitrages concrets.
- Un effet de périmètre : le projet est circonscrit au territoire rennais. Même en cas de réussite locale, la question de la transférabilité des outils et des méthodes à d’autres territoires n’est pas garantie.
- Une production de données sans levier décisionnel : multiplier les relevés et indicateurs n’a de sens que si ceux-ci nourrissent des politiques d’aménagement exigeantes. Or, dans bien des cas, les diagnostics environnementaux peinent à peser face aux logiques d’urbanisme ou aux contraintes budgétaires.
- Une dépendance politique : l’adhésion des élus et décideurs conditionne largement la continuité du projet. Un changement de majorité ou une inflexion budgétaire pourrait remettre en cause la pérennité de l’initiative.
- Un risque de communication plus que d’action : comme d’autres projets environnementaux, RENNAT pourrait servir à illustrer l’engagement climatique de la collectivité, sans induire de changements structurels (par exemple sur l’emprise du bâti ou la densification).
En somme, le succès du projet dépendra moins de sa rigueur scientifique – acquise – que de sa capacité à influencer concrètement les choix d’aménagement. À défaut, il risquerait de rejoindre la longue liste des expérimentations locales qui documentent le dérèglement climatique sans infléchir véritablement les pratiques.
Une initiative utile, mais dont il faudra mesurer l’effet
Si l’ambition du projet est mesurée, sa logique de co-production reste précieuse à l’heure où l’adaptation au changement climatique impose un décloisonnement des savoirs. L’implication des agents publics, la structuration du partenariat et la valorisation de données reproductibles constituent autant d’atouts – encore faut-il qu’ils soient mobilisés au-delà du cadre du projet. RENNAT est donc un outil – potentiellement utile, mais dont la valeur réelle dépendra de la façon dont il sera intégré aux politiques de la ville. Ce type de dispositif, aussi vertueux soit-il en apparence, n’est pas sans fragilité. Loin des discours, c’est dans les décisions concrètes que se mesurera son apport.
Pour finir, RENNAT ne s’inscrit pas dans un vide, car d’autres collectivités expérimentent déjà des dispositifs similaires. La ville de Lyon, par exemple, ou certaines métropoles du Nord de l’Europe, ont mis en place des observatoires urbains associant chercheurs, urbanistes et services municipaux afin de suivre les évolutions climatiques à l’échelle locale. À Rennes, cette initiative s’ajoute à un ensemble de dispositifs plus ou moins visibles qui cherchent à adapter la ville à de nouveaux équilibres. Sa réussite dépendra de sa capacité à produire des résultats concrets, à être maintenu dans la durée et à nourrir de véritables arbitrages sur l’usage de l’espace urbain. Autant d’enjeux qui dépassent la simple production de données pour poser la question, plus large, des priorités dans la fabrique de la ville.
https://unidivers.fr/modification-plu-rennes-metropole/
https://unidivers.fr/urbanisme-rennes-marc-herve/
https://unidivers.fr/densification-rennes-mairie-coudurr-urbanisme/