Moët Hennessy investit dans la recherche en Champagne
Inauguré le 18 octobre dernier, le Centre Robert-Jean de Vogüé, nouveau laboratoire de Moët Hennessy installé à Oiry devrait permettre au groupe d’accélérer l’adaptation au réchauffement climatique de ses pratiques culturales et œnologiques, tout en lui offrant de nouvelles solutions pour respecter ses engagements en faveur d’une production durable. Les installations grandioses témoignent de la force de frappe du groupe, même si celui-ci affiche d’emblée sa volonté de jouer collectif et de collaborer avec l’ensemble de la communauté des chercheurs.
Regroupant 23 maisons de vins et spiritueux à travers le monde, LVMH disposait d’une jolie carte à jouer en matière de mutualisation de la recherche. Aussi, alors que les conditions climatiques changent et que la question d’une viticulture durable est au cœur des préoccupations des acteurs de la filière, Moët Hennessy a décidé de se doter d’un laboratoire de recherche collectif, dont l’objectif est d’accélérer l’adaptation et d’aider les maisons à respecter leurs engagements. Inauguré la semaine dernière, il est installé au cœur de la Champagne à Oiry, juste à proximité du vaste complexe de production de Moët & Chandon sur le site de Montaigu. « Il fallait le mettre dans un lieu viticole, il est important que l’activité de recherche soit très proche des activités opérationnelles, que l’on puisse avoir des échanges entre la recherche et les opérations » déclare Philipphe Schaus, président de MHCS. La construction de ce bâtiment de 4000 mètres carrés sous la direction de l’architecte Giovanni Pace a coûté 20 millions d’euros. Quant au budget annuel alloué par le groupe aux programmes d’étude, il s’élèvera à 6 millions d’euros, soit l’équivalent du budget recherche du Comité Champagne. Le laboratoire compte déjà une vingtaine de chercheurs mais a été conçu pour pouvoir accueillir jusqu’à 40 collaborateurs.
L’activité s’articule autour de quatre pôles : la microbiologie, la physiologie viticole, l’ingénierie des process, et l’analyse sensorielle. Pour se faire une idée des projets d’investigation, deux exemples ont été donnés. Celui de la sélection de plants plus adaptés au réchauffement grâce à l’utilisation de chambres climatiques dans lesquelles les chercheurs peuvent « simuler les climats que rencontrent les maisons dans les lieux où elles sont établies ou des climats futurs ». Un deuxième chantier majeur concerne les levures. Pour supprimer l’usage des herbicides et favoriser la vie des sols, MHCS recourt de plus en plus à l’enherbement des rangs. Or, celui-ci entraîne une concurrence pour l’approvisionnement en azote des vignes, ce qui réduit la proportion de cet élément chimique dans les moûts et perturbe le bon déroulé des fermentations. D’où la nécessité de sélectionner des levures plus en phase avec la nouvelle composition des jus.
L’un des atouts majeurs de ce laboratoire réside dans sa capacité à tester ces changements à différentes échelles. « Ce que l’on produit à l’échelle d’un litre, on n’est pas sûr de le reproduire à l’échelle de 5 et encore moins de 500 … Tous les paramètres vont changer, les coefficients d’échange de gaz, l’agitation, tout est facteur de l’échelle. À chaque étape, il est important de revérifier. » confie l’un des responsables du centre. On s’attardera aussi sur la qualité des installations consacrées à l’analyse sensorielle. « C’est l’un des seuls laboratoires où l’appareil de mesure est l’être humain. Le but, c’est d’avoir quelque chose de très épuré, avec des formes arrondies, pour éviter d’avoir toute perturbation et rester concentré sur la dégustation. » Les concepteurs ont veillé à avoir des variations de pression entre les différentes salles pour éviter que les arômes ne passent d’une pièce à l’autre et conserver ainsi dans chacune une certaine neutralité.
Ensemble c’est tout
Malgré l’ampleur des investissements, l’objectif affiché du centre n’est pas pour MHCS de faire cavalier seul. Le groupe affirme sa volonté de travailler et d’échanger avec tous les organes de recherche interprofessionnels et publics (Comité Champagne, INRAE, CNRS). En baptisant le centre du nom de Robert-Jean de Vogüé, MHCS affiche la couleur. Le personnage par son parcours symbolise à la fois de l’esprit d’innovation et la volonté de toujours jouer collectif. C’est en effet à cet ancien patron de Moët & Chandon que l’on doit la création du Comité Champagne en 1941. En 1947, il met en place chez Moët & Chandon l’un des tout premiers systèmes d’intéressement à la productivité. Cette innovation sociale et organisationnelle aidera les ouvriers à mieux accepter les innovations de process alors introduites (automatisation des chaînes de dégorgement…). Celle-ci est doublée d’un comité où siègent aussi les cavistes, favorisant les retours du terrain et où chacun peut faire part de ses suggestions pour améliorer les nouvelles machines. Côté vignes, Robert-Jean de Vogüé accorde son soutien à l’ingénieur Vincent Ballu qui mettra au point le tout premier tracteur enjambeur de la Champagne : « Si vous pouvez, vous nous rembourserez et moderniserez notre vignoble, sinon tant pis ! ». Enfin, sur le plan de l’innovation produit, Robert-Jean de Vogüé a initié le lancement de Dom Pérignon en 1936, la première cuvée spéciale en Champagne, dont le concept sera imité après-guerre par toutes les maisons concurrentes.
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